Le style
des écrivains est une formule qui revêt bien des significations en fonction de ceux qui emploient cette expression. Il reflète parfois le genre littéraire
: comique, fantastique, absurde, sentimental... Il s'agit là d'une confusion. Le style est la manière dont s'exprime un auteur, c'est-à-dire comment il choisit d'exprimer ses idées, à savoir son vocabulaire et la forme de ces phrases. Le style est la signature d'un écrivain. Son écriture porte la marque de sa personnalité. Le plus simple est de comparer, pour illustration, quelques styles très différents. Les auteurs sont ici choisis pour leur style très contrasté et si caractéristique :
"La tête de Raphaël était devenue livide et creuse comme un crâne arraché aux profondeurs d'un cimetière pour servir aux études de quelque savant. Pauline se souvenait de l'exclamation échappée la veille à Valentin, et se dit à elle-même : Oui, il y a des abîmes que l'amour ne peut pas traverser, mais il doit s'y ensevelir.
" (Balzac, La peau de chagrin)
Balzac fait souvent de longues phrases, aux constructions parfois complexes. Ce style d'écriture, assez élaborée, se retrouve souvent dans la littérature du XIXème siècle. Le XXème siècle a vu le style être bouleversé par un auteur qui y a introduit des éléments de langage parlé et un vocabulaire moins conventionnel que celui habituellement rencontré dans la littérature. Il s'agit de Céline.
Lui une seule idée, je savais, il était en retard, son retour!... voici!... donc ça y était... je laisse les autres ficeler, consolider l'édifice... ils étaient je vous ai dit bien trente... cinquante... qu'allaient pousser... et je crois au moins cinq kilomètres à travers Hanovre... les autres qui restaient... plein les plates-formes semblaient pas contents... du tout!... que même ils nous insultaient...
(Céline, Rigodon)
On peut comparer ce style très parlé de Céline avec celui, très littéraire, de Marguerite Yourcenar, sa contemporaine, où les mots semblent se combiner entre eux de telle manière qu'on a la sensation de voir apparaître la phrase qui attendait d'être révélée au lecteur :
Dès les premiers temps de leur vie en commun, il s'était choqué de l'entendre dire, comme il lui proposait d'essayer encore une spécialité du Café Riche : "Mais pourquoi? Il reste des légumes." Aimant jouir du moment, quel qu'il fût, il vit là une manière de rechigner à un plaisir qui s'offrait, ou peut-être, ce qu'il détestait le plus au monde, une parcimonie inculquée par une éducation petite-bourgeoise. Il se trompait en ne percevant pas chez Fernande des velléités d'ascétisme. Le fait reste que, même pour les moins gourmets, les moins gourmands ou les moins goinfres, vivre ensemble c'est en partie manger ensemble. Monsieur et Madame de C. n'étaient pas bons partenaires à table.
(Marguerite Yourcenar, Souvenirs pieux)
Comment travailler son style ? En lisant, en lisant beaucoup, uniquement des auteurs français, de styles différents, de toutes les époques. Chacun des écrivains crée une musique particulière dans l'esprit. L'histoire importe parfois peu, ce qui compte, c'est surtout comment on la raconte. A force de côtoyer des styles variés, on apprend à les aimer mieux, à les comprendre. L'école de l'écriture, c'est avant tout la littérature.
Bonne lecture!
Romain