Mot-clé - Balzac

Fil des billets

mardi 3 octobre 2017

Le laboratoire d'écriture : description d'un personnage #MardiConseil

Il est important pour un lecteur de se faire une idée précise des personnages. La manière dont le romancier va les décrire est très importante. Les éléments physiques peuvent tout aussi bien traduire des éléments de personnalité du personnage. Il est possible également de choisir une situation qui le montrera tel qu'on le percevra tout au long de l'histoire. Ainsi, dans Madame Bovary, Flaubert choisit de nous décrire Charles Bovary comme étant jeune et déjà gauche... Il est immédiatement ridicule comme nous l'apprend cette première description faite dans le premier chapitre du livre :

Resté dans l’angle, derrière la porte, si bien qu’on l’apercevait à peine, le nouveau était un gars de la campagne, d’une quinzaine d’années environ, et plus haut de taille qu’aucun de nous tous. Il avait les cheveux coupés droit sur le front, comme un chantre de village, l’air raisonnable et fort embarrassé. Quoiqu’il ne fût pas large des épaules, son habit-veste de drap vert à boutons noirs devait le gêner aux entournures et laissait voir, par la fente des parements, des poignets rouges habitués à être nus. Ses jambes, en bas bleus, sortaient d’un pantalon jaunâtre très tiré par les bretelles. Il était chaussé de souliers forts, mal cirés, garnis de clous.

Flaubert, Madame Bovary

On se rend compte que Charles est habillé d'une tenue bigarrée qui le rend ridicule... En plus, il est dans des vêtements visiblement trop petits pour lui, ce qui ajoute à sa singularité compte tenu de sa grande taille par rapport à ses camarades de classe... Sa coiffure, bien propre et bien taillée pour l'occasion, lui donne un air bête... Et c'est ainsi que le lecteur prend conscience que ce Charles Bovary va devoir se battre tout au long du roman pour être à la hauteur.

Dans un autre style, Balzac est réputé pour ses longues descriptions des environnements de vie. Ce n'est pas anodin. Il y a derrière cette attitude littéraire la volonté d'informer le lecteur sur la psychologie des personnages. Ainsi, dans le père Goriot, il décrit la maîtresse de la pension de cette manière :

Bientôt la veuve se montre, attifée de son bonnet de tulle sous lequel pend un tour de faux cheveux mal mis, elle marche en traînassant ses pantoufles grimacées. Sa face vieillotte, grassouillette, du milieu de laquelle sort un nez à bec de perroquet ; ses petites mains potelées, sa personne dodue comme un rat d’église, son corsage trop plein et qui flotte, sont en harmonie avec cette salle où suinte le malheur, où s’est blottie la spéculation, et dont madame Vauquer respire l’air chaudement fétide sans en être écœurée. Sa figure fraîche comme une première gelée d’automne, ses yeux ridés, dont l’expression passe du sourire prescrit aux danseuses à l’amer renfrognement de l’escompteur, enfin toute sa personne explique la pension, comme la pension implique sa personne.

Balzac, Le père Goriot

En quelques lignes, il nous montre à quel point cette femme est sèche d'émotions et de sentiments au plus profond d'elle. Sa corpulence suggère, non pas de l'appétit pour la vie, mais plutôt le profit. Elle profite. Elle est comme une sangsue pour ses pensionnaires. La pension Vauquer, lieu du drame, est un lieu qui ne rayonne pas de vie. Par la description de madame Vauquer, on sait que les pensionnaires sont au purgatoire, ce lieu entre le paradis et l'enfer. Ses yeux ridés traduisent tout son registre d'émotion, passant du sourire hypocrite à la rigueur du créancier qui recompte son argent. La clé nous est donnée directement : toute sa personne explique la pension, comme la pension implique sa personne.

A travers ces deux exemples, vous avez la possibilité de détailler deux visions de la description d'un personnage. D'une part, l'aspect extérieur (Charles Bovary décrit par ses vêtements) donne des indications sur ce que sera le futur du personnage, ainsi que les aspects de sa personnalité avec lesquels il devra se battre. D'autre part, l'aspect physique du corps (madame Vauquer et son petit côté dodue) traduit la manière d'être dans sa vie et une partie de sa personnalité.

Dans tous les cas, vous constatez qu'une bonne description d'un personnage se doit d'être en cohérence avec le reste de son histoire et de son environnement. A défaut, le lecteur ne se laissera pas prendre...

Romain

mardi 26 septembre 2017

Le laboratoire d'écriture : créer un personnage #MardiConseil

Les personnages sont centraux dans la mise en place d'une bonne histoire. Ainsi, leur personnalité peut être la seule justification du livre. On peut penser notamment à Emma Bovary dans "Madame Bovary" de Flaubert ou encore à la plupart des romans de la comédie humaine de Balzac... Néanmoins, pour réaliser ce tour de force de créer un personnage cohérent, il faut le préparer avant de se lancer dans le processus créatif... Si tous ceux qui écrivent ont déjà joué au portrait chinois, peu pensent pourtant à réaliser l'équivalent pour caractériser et rendre originaux les héros de leurs histoires. Voici donc une petite liste de questions destinées à dessiner les contours des habitants de vos futurs écrits...

  • Ses prénom et nom ?
  • Sa description physique ?
  • Sa formation ? Son métier ?
  • Sa biographie ?
  • Son plus grand succès ?
  • Son plus grand échec ?
  • Son premier amour ?
  • Ce qu'il voudrait être ?
  • Le don de la nature qu'il voudrait avoir ?
  • Le principal trait de son caractère ?
  • Son principal défaut ?
  • Son occupation préférée ?
  • Ses passions ?
  • Son objet fétiche ?
  • Sa manière de s'habiller ?
  • Quel serait son plus grand malheur ?
  • La couleur qu'il préfère ?
  • Ce qu'il déteste par-dessus tout ?
  • Comment il va mourir ?
  • État d'esprit actuel ?
  • Sa devise ?
  • Son épitaphe ?

Cette liste n'a rien de définitif. Chacun peut en utiliser une différente. Par ailleurs, il est régulier que les réponses données aux questions soient modifiées dans le courant de l'écriture. En effet, on s'aperçoit parfois que tel trait de caractère n'est pas assez saillant ou que tel caractéristique se révèle au fil des actions. Cette inspiration qui vient pendant la création doit être accompagnée pour ne pas perdre le lecteur. Toutefois, cela nécessite également d'avoir conscience de son intervention : le texte devra être retravaillé plus tard afin que le personnage conserve sa cohérence tout au long de l'histoire. La liste de questions raturées est un bon indice qu'une relecture sera nécessaire... D'où la bonne idée d'écrire les fiches de personnages sur du papier plutôt que dans un ordinateur : elles seront ainsi matériellement accessibles pendant le processus d'écriture et laisseront apparaître les différentes modifications qu'elles auront subies immanquablement.

Il ne reste plus qu'à vous laisser prendre possession de cette liste de question pour créer des personnages plus vrais que nature.

Romain

mardi 22 août 2017

Balzac offert! #RaysDay #MardiConseil

couv_balzac.jpg

Pour le Ray's Day, nous offrons les 3 nouvelles de Balzac suivantes :

  • L'Elixir de longue vie ;
  • Le chef d'oeuvre inconnu ;
  • Un drame au bord de la mer ;

avec une préface et une postface de Romain Boucq. Cette offre spéciale de gratuité est spécifique pour le 22 août 2017.

Bookeen : http://bit.ly/1hRnB3f
Kobo : http://bit.ly/1hQXLMF
Amazon : http://amzn.to/1NtHTww

L'année prochaine, nous participerons à nouveau!

L'équipe

mardi 31 janvier 2017

"Le père Goriot", Honoré de Balzac #Chronique #Mardiconseil

Titre: Le père Goriot
Auteur : Honoré de Balzac

Balzac-le-pere-Goriot-rastignac.png

Tout au long de la Comédie Humaine, Balzac nous présente des situations de vie et des personnages, mêlant analyse psychologique et intrigues fortes. "Le père Goriot" est un des romans les plus sensibles de cette longue série. Bien que dépeignant une situation du XIXème siècle, ce roman reste d'actualité par les thèmes universels et actuels qui y sont abordés : l'amour paternel, le Temps, le sens de la vie, l'insouciance de la jeunesse.

Le père Goriot, veuf, vit dans la pension de Madame Vauquer. Un lieu où se trouvent être de nombreuses personnalités aux aspirations et fortunes diverses. Père de deux filles, il sacrifie tout ce qu'il a pour ces dernières. Bien qu'elles soient "bien" mariées (à moins qu'il ne faille dire "parce que"), elles ne lui manifestent qu'un intérêt limité à leur besoin.

Avec une grande sensibilité, Balzac nous mène à travers ce roman dans une réflexion amère sur notre propre destinée. Au XXIème siècle, dans un monde où les cultes de la jeunesse et de la beauté ont pris le dessus sur ceux de la sagesse et de l'expérience, où les pensions de retraite sont devenues un sujet récurrent d'actualité, ce roman nous met en garde contre une certaine vision de la société.

La lente déchéance du père Goriot, qui trouvera pourtant du soutien dans son entourage immédiat, nous écrase de sympathie et de tristesse. Le symbolisme de la pension Vauquer, image de la société, où le fait de vivre dans tel ou tel appartement est corrélatif avec la fortune et le rang social, donne à ce roman une noblesse et une puissance inégalées et inégalables. Pierre fondamentale dans l'édifice de la littérature mondiale, ce roman est incontournable pour découvrir Balzac. J'espère que vous prendrez autant de plaisir que j'ai eu à le lire (et à le relire) !

Bonne lecture !

Romain

mardi 17 janvier 2017

"La peau de chagrin", Honoré de Balzac #Chronique #MardiConseil

Titre: La peau de chagrin
Auteur : Honoré de Balzac

peaudechagrin.jpg

Tout au long de la Comédie Humaine, Balzac nous présente des situations de vie et des personnages, mêlant analyse psychologique et intrigues fortes. "La peau de chagrin" est un roman étonnant dans cette longue série. Bien que dépeignant la société du XIXème siècle, il est à part dans l'oeuvre titanesque de Balzac. Premier grand succès de Balzac, ce roman reste parfaitement d'actualité par les thèmes universels et actuels qui y sont abordés : le Désir, le Temps, le sens de la vie et l'insouciance de la jeunesse.

Raphaël, jeune homme ambitieux, se trouve dépourvu de tout espoir dans la société bourgeoise du XIXème siècle. D'humeur morbide, cherchant à se donner la mort, il erre dans les rues de Paris, le soir. Il entre dans un magasin sombre. Là, il fait la rencontre d'un vieil homme qui, parmi toutes les antiquités de son échoppe, le conduit face à la Peau de Chagrin.

Sur cette peau, il y est inscrit dans une langue orientale que Raphaël a étudiée :

Si tu me possèdes, tu possèderas Tout, mais ta vie m'appartiendra, Dieu l'a voulu ainsi. Désire, et tes désirs seront accomplis. Mais règle tes souhaits sur ta vie. Elle est là. A chaque vouloir je décroîtrai comme tes jours. Me veux-tu? Prends. Dieu t'exaucera. Soit!

Il se saisit immédiatement de la peau de chagrin. Et l'histoire continue...

Avec beaucoup de recul, Balzac nous mène à travers ce roman dans une réflexion particulière sur notre propre destinée et sur notre envie d'assouvir nos désirs comme condition de notre bonheur. Au XXIème siècle, dans un monde où l'individualisme et la société de consommation nous poussent à l'accumulation de richesses matérielles et à satisfaire nos désirs les plus fous immédiatement, ce petit roman nous conseille la prudence et nous enseigne la valeur de la vie et de ses petits bonheurs.

Faire d'un roman fantastique un roman psychologique et philosophique, c'est le tour de force réussi de ce livre passionnant. J'espère que vous prendrez autant de plaisir que j'ai eu à le lire (et à le relire) !

Bonne lecture !

Romain

mardi 28 juin 2016

"La messe de l'athée", Honoré de Balzac #chronique

phmesse1.jpg

Titre La messe de l'athée
Auteur Honoré de Balzac
Date de la première parution 1836

Le contexte de ce texte court est assez particulier. Il a été conçu, écrit et imprimé en une nuit pour un journal dont Balzac venait de devenir propriétaire. Toutefois, cette rapidité d'écriture ne laisse en rien la qualité sur le côté. De nombreuses analogies agrémentent le texte et lui donnent beaucoup de profondeur.

Pour ce qui est de l'histoire, elle est assez simple. Elle relate la vie d'un grand chirurgien, Desplein, complètement athée, à travers les yeux de son étudiant et ami Bianchon. Ce dernier découvre son maître entrant dans une chapelle, seul, écouter une messe pour la Sainte-Vierge. Si l'édifice religieux avait été bondé de croyants, il aurait pu comprendre que son maître, irréligieux au possible, se plie à quelque convention sociale. Or, dans le cas présent, il s'agit d'une chapelle déserte où le prêtre et Desplein sont les deux seuls représentants du genre humain. Intrigué, Bianchon mène son enquête.

Comme souvent dans ses textes, Balzac nous transporte d'une analyse psychologique de personnage à une critique sociale, sans que nous puissions nous en rendre compte. Ne parler que de ces traits caractéristiques de sa manière d'aborder les histoires ne serait pas rendre juste au regard de la charge émotionnelle qui peut être développée par ailleurs. En effet, lorsqu'on découvre les raisons pour lesquelles ce chirurgien se rend dans une chapelle, impossible de rester insensible. Assurément, le texte est si parfaitement équilibré que les émotions montent en intensité de manière invisible. Balzac est un grand auteur, avec une maîtrise de l'écriture telle que ces livres devraient trôner sur le chevet de tous les passionnés d'écriture.

Bonne lecture!

Romain

jeudi 28 janvier 2016

Citation du jeudi #citation

"L’homme meurt une première fois à l’âge où il perd l’enthousiasme.", Honoré de Balzac #citation

jeudi 14 janvier 2016

Citation du jeudi #citation

"Il n’y a rien de plus triste qu’une vie sans hasard.", Honoré de Balzac #citation

jeudi 31 décembre 2015

Citation du jeudi #citation

"Il faut toujours bien faire ce qu'on fait, même une folie." Honoré de Balzac #citation

mardi 29 décembre 2015

"Splendeurs et misères des courtisanes", Honoré de Balzac #chronique

Titre Splendeurs et misères des courtisanes
Auteur Honoré de Balzac
Date de la première parution 1838 - 1846

La taille de l'ouvrage est impressionnante. C'est du Balzac, du grand Balzac. Je me permets d'écrire que tout ce qu'il y a de meilleur dans la Comédie Humaine se trouve condensé dans ce roman. Un portrait au vitriol de la société parisienne, un drame passionnel, une intrigue machiavélique et passionnante qui tient en haleine. Nul besoin de connaître les tomes précédents pour se retrouver dans cet opus du grand romancier. En tout cas, pour plus d'un, si c'est leur entrée dans l'univers balzacien, je sais qu'ils seront mordus. Pour les déçus de Balzac, c'est le moment de tenter à nouveau votre chance.

De quoi s'agit-il? Le titre est quelque peu trompeur sur son contenu je dois avouer. L'histoire évoque celle de l'ascension sociale du jeune Lucien de Rubempré. Pour s'aider, il entre dans les manigances de Vautrin et utilise sa bien-aimée Esther. Cette dernière, consentante par amour, usera de ses charmes pour mener à bien le complot organisé entre les trois protagonistes.

Mené d'une main de maître, le grand écrivain nous emmène de rebondissement en rebondissement sans que jamais il ne laisse le lecteur respirer. Les dernières pages du livre sont haletantes. Jusqu'au dernier instant, le dénouement reste imprévisible.

A dévorer de toute urgence, sans crainte d'indigestion!

Romain

- page 1 de 2